On a tous, un jour, assisté à la scène : « Ce bon vieux capitaine Kirk
s’installant sur le télépod de l’USS Enterprise, Scotty presse un bouton
ou deux, le capitaine se dématérialise et hop! en quelques instants il
se retrouve sur une certaine planète exotique, à des milliers de kilomètres
de sa nef spatiale originelle ». Ce scénario découle d’une idée un peu
loufoque des réalisateurs. Son seul objectif visait l’économie des coûts
supplémentaires engendrés par les multiples scènes d’atterrissage du
massif vaisseau. N’empêche, l’idée germa dans l’esprit des gens de
physique et une trentaine d’années plus tard, une théorie plausible
prenait forme.
Certains s’exclameront : « La téléportation? Réalisable?!? ».
D’accord, j’avoue que je cache un point crucial, la téléportation
ne s’adresse qu’aux états quantiques. En 1993, une équipe de
chercheurs internationaux composée, entre autres de deux Montréalais
(Gilles Brassard et Claude Crépeau), démontra comment la théorie
quantique rendait possible ce concept. La téléportation venait
de passer de fiction à réalité… du moins, théoriquement parlant.
Puis, quelques années plus tard, l’Autriche réalisa la première
téléportation d’états quantiques et, depuis ce jour, la technique
ne cesse de s’améliorer.
Attention! Cette « téléportation » ne déplace pas un objet
de A vers B, comme Kirk d’une planète à une autre, mais impose
une décision dépendante et instantanée aux états quantiques de
deux particules distantes. Autrement dit, l'interaction d'un
objet (quantique) en A produit des répercutions spécifiques et
spontanées en B. Par conséquent, aucune matière ne voyage.
Seulement, d'une manière instantanée, l'objet en B (distinct
de A) devient indiscernable de l'objet en A. Avec cette
téléportation, on ne parle pas de « vitesse » de transmission,
mais bien d’une transmission « instantanée ». Comment diantre
est-ce possible?
Grâce à la physique quantique! Le paradoxe d’EPR
(Einstein-Podolsky-Rosen), énoncé en 1935, visait à démentir
la physique quantique, mais n’eut comme réelle conséquence que
de renforcer celle-ci et d'ouvrir ses horizons. Pour illustrer
brièvement ce paradoxe, imaginez deux pêcheurs assez ingénieux.
Ils amènent deux petits poissons-photons vivants (espèce en voie
de disparition) à une mare assez spéciale. Située sur un monticule,
cette mare est drainée par deux dérivations qui mènent à deux
petites mares, en aval. Notez les petites écluses qui obstruent
les dérivations (voir schéma). Nos pêcheurs jettent donc les petits
poissons-photons dans la mare supérieure, les petites bêtes, selon
la théorie quantique, se dissolvent en une espèce de « bouillie »
quantique de poissons. Les pêcheurs ouvrent ensuite les écluses
et le bassin se déverse également dans les deux petites mares
inférieures. Une moitié de la bouillie de poissons se trouve
ainsi dans chaque mare, donc un poisson (en bouillie quantique)
par mare. Un des pêcheurs jette sa ligne dans une mare tandis
que l’autre profite du beau temps et fait une sieste. Selon la
théorie quantique, lorsque le pêcheur attrape le poisson de la
mare de droite, le poisson de la mare de gauche sort simultanément,
projeté près du paresseux pêcheur, qui, sans effort le ramasse.
Le contact étroit entre les deux « poissons » durant un moment
semble leur suffire pour rester toujours unis même séparés, comme
par un lien mystérieux… De là, le clan d’Einstein croyait, en
quelque sorte, affaiblir la théorie quantique, puisqu’elle suggère
ainsi que les deux « poissons » soient reliés par un certain moyen
de « communication », voyageant plus rapidement que la lumière,
chose insensée… Le paradoxe resta en suspens jusque dans les années
80, où on vérifia l’effet EPR expérimentalement (voir
L’Attracteur #8,
Le paradoxe EPR).
En effet, il semble que deux particules ayant interagit ensemble
restent en « contact » instantané peu importe la distance qui les sépare.
Si on dérange une particule du contact EPR, on perturbe instantanément l’autre.
Alors, existe-il un moyen de communication plus rapide que la lumière?
Non, cette influence instantanée ne s’utilise malheureusement pas pour
communiquer, car toute mesure perturbe aléatoirement l’état du système.
Par conséquent, une perturbation sur les deux particules d'une paire EPR
produit un effet tout aussi aléatoire qu’incontrôlable. Cette relation
entre les particules ne permet pas de communication. Ouf! La relativité
demeure intacte. La téléportation d’un message, par exemple, se déroule en
deux étapes : une première sans délai (EPR) et une seconde limitée par la
relativité. Mais, comment téléporter un message, un photon ou un atome si,
en « l’observant », son état quantique s’autodétruit? Il faut agir… les yeux
fermés! « Mais allez-vous finir par m’expliquer comment ça fonctionne!?! »,
me demanderez-vous?
Bon d’accord, on réalise la téléportation d’états, mais quand viendra
celle d’un humain? Un humain ou tout élément macroscopique ne possède
pas de propriétés quantiques (à la manière d’un photon, voir
Ils sont fous ces physiciens!),
ce qui interdit leur téléportation ou leur dédoublement,
jusqu’à nouvelle du contraire. Cependant, cette récente
technologie permet de pousser davantage l’étude des ordinateurs
quantiques et la cryptographie. Examinons le côté sécuritaire du
processus dans ce domaine. La téléportation ne transmet qu’au
destinataire un message. Aucune autre personne ne pourrait
capter la transmission, sauf celle de la « clé », générée
aléatoirement lors de la « combinaison quantique » de deux
particules pour transcrire le message. De plus, lors de la
téléportation quantique, le message se détruit (une fois combiné
à A, le photon M n’existe plus sous sa forme originale) donc pas
de fuite interne. Un système sans faille? L'agent 007 n'a qu'à se
recycler dans la physique!
Merci à Alexandre Blais, qui s'assura que cet article contienne
plus de science que de fiction!