Ils sont fous ces physiciens!
La vérité s’il vous plaît ? Eh bien! il semble que pour s’en approcher, il faille
oublier l'intuition physique que le monde macroscopique nous apporte. Pourquoi?
Le monde ne ressemble tout simplement pas ce qu’il paraît, mais à autre chose…
La physique quantique apparut à l’aube du XXième siècle et signifie littéralement
« physique des quanta ». Tout débuta avec l’arrivée d'une nouvelle théorie de Planck,
en 1900. Ce dernier réussit à expliquer le spectre d’émission de lumière par des
corps chauffés à haute température. Pour y parvenir, il émit l’hypothèse que les
échanges d’énergie entre la matière et la lumière ne se réalisaient que par
« petits paquets » ou par quanta... En 1905, Albert Einstein reprit cette notion
de « lumière quantique » et, dans le but d'expliquer l'effet photoélectrique, mit
en place le concept de « lumière granuleuse » dont le « grain » d’énergie fut plus
tard appelé photon. Mais comment relier une particule, le photon, à l’onde
électromagnétique, la lumière? Voilà le paradoxe de la dualité onde-corpuscule.
Cette étrange perception remet en cause la physique newtonienne, dite classique,
et oblige les physiciennes et physiciens à concevoir une toute nouvelle entité,
agissant parfois comme une particule (dans les phénomènes d'absorption et d'émission)
et parfois comme une onde (dans les phénomènes de propagation). Contribuèrent aussi
à la théorie quantique des physiciens tels que Bohr, de Broglie, Schrödinger,
Heisenberg, Born et Dirac, ces derniers s’affairant à développer sur une base
mathématique solide cette toute nouvelle vision du monde microscopique. Cette
théorie, maintenant le fondement de tous les domaines de la science, permet
d’expliquer tant la couleur des objets que leurs formes, la stabilité des atomes,
les énergies stellaires et les structures chimiques pour ne nommer que celles-là…
En plus, elle permit bon nombre d'innovations techniques tels le laser, les transistors,
toute la microélectronique, etc... Malgré sa logique « farfelue », la théorie
quantique résiste à tout démenti.
Farfelue vous dites? Carrément inhabituelle, oui! Cette théorie contrecarre
littéralement notre bonne vieille mécanique classique. Non seulement, déterminer
avec précision la position et la vitesse d’une particule se révèle impossible,
comme l’expose le principe d’incertitude d’Heisenberg, mais en plus de cela, selon
leurs probabilités respectives, les particules peuvent posséder plusieurs énergies,
positions et vitesses simultanément! Un peu comme suspendue entre plusieurs réalités,
la particule quantique se « subdivise » selon une probabilité plus ou moins forte
d’occuper un état plutôt qu’un autre… Les univers de la physique classique et de
la physique quantique diffèrent complètement. Qui a déjà observé une même pomme à
deux endroits à la fois ou une voiture roulant à deux vitesses concomitantes?
Personne, car notre monde macroscopique obéit bel et bien aux lois classiques de
la physique. Mais où se situe donc cette frontière entre le quantique et le classique?
Et pourquoi les objets macroscopiques, composés de particules microscopiques obéissant
aux lois quantiques, agissent-ils de manière classique? Grâce aux récents progrès
technologiques, une équipe scientifique a su y répondre adéquatement.
La théorie quantique décrit une particule par ses états, chacun représenté par
un nombre complexe appelé « amplitude » qui, comme les ondes classiques, possède
un module et une phase. Lors de superpositions d’états, ces amplitudes
« s'additionnent » pour se renforcer ou s’annuler l’une l’autre. Ce phénomène,
l’interférence, s’observe dans une expérience à double fente de Young légèrement
modifiée. Les électrons émis un à un vers un panneau avec deux fentes (de largeur
beaucoup plus petite que la distance les séparant) possèdent une énergie bien
déterminée. En ouvrant seulement la fente 1 ou la fente 2 (voir diagramme), les
impacts des électrons sur l’écran se concentrent en face des fentes. Or, avec
les deux fentes ouvertes simultanément, on n’obtient pas la superposition des
deux schémas précédents (en pointillé), mais bien une interférence que seule
une onde aurait su générer (ligne pleine) et ceci même si un seul électron est
présent à la fois dans l’appareil. Ce résultat ne s’explique que par la
« transformation » de l’électron en onde. La même expérience, réalisée
avec des protons, des neutrons et même des atomes, fournit des résultats
identiques. Alors tout ce qu’on définissait comme étant particule peut
aussi agir en tant qu’onde! Une aspirine s’il vous plait…
Le plus étonnant dans l’expérience à double fente de Young se manifeste dès que
vous placez des détecteurs près des fentes, afin de savoir par où l’électron se
faufile. Alors il n’interfère plus! Placer des senseurs détruit l’interférence
et l’expérience montre seulement deux accumulations distinctes d’impacts
(en bleu). L’onde et la particule paraissent complémentaires et ne peuvent se
révéler dans ces deux états en même temps (voir paradoxe onde–corpuscule).
Einstein s’opposait fortement à cette nouvelle notion; comme si la lune n’existait
réellement qu’au moment de son observation!
« Mais comment une particule peut-elle se transformer subitement en onde? »
Lors d’une mesure quantique à l’aide d’un appareil macroscopique, la transition
quantique <—> classique pose un sérieux problème tel qu’illustré par le paradoxe
du chat de Schrödinger. Imaginez un chat enfermé dans une boîte contenant un
atome radioactif commandant un système mortel 1.
Dans ce système, l’atome
radioactif, représenté par une superposition de deux états, appelons-les
« désintégré » et « entier », active le système une fois sur deux au
cours de l’expérience. Tout le système se retrouve alors dans une
situation quantique où, d’un coté, l’atome radioactif s’est désintégré
et le chat a trépassé et, de l’autre, l’atome demeure intact et le chat se
porte bien (voir ci-bas). Or, cette situation paradoxale ne reste en
superposition d’états qu’un très bref instant et s’évanouit quasi spontanément.
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Il y a superposition des états quantiques de
latome radioactif, mais rapidement la décohérence seffectue et
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soit le chat est mort,
50 %
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soit il est toujours en vie !
50 % |
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Une réduction instantanée des états se produit dès l’observation du système.
Cette décision aléatoire de l’état observé respecte les probabilités,
correspondant au carré des amplitudes des états. Cette description,
plus connue sous le nom d’« interprétation de Copenhague », nous la
devons à Bohr. Disons adieu au déterminisme classique, car désormais
le résultat d’une mesure isolée s’avère aléatoire. De surcroît,
l’interprétation de Copenhague stipule que lors d’une mesure, un
processus de réduction, originaire de l’objet macroscopique,
élimine les superpositions d’états quantiques. Le chat et le
Maillet-O-Tron interrompent le cours quantique de l’histoire et,
à cause de leur taille, on n’observe jamais de chat mort et vivant
ou un Maillet-O-Tron activé et inactivé à la fois. N’empêche, le chat
se trouve quand même dans un mélange statistique d’états et on se
demande quand et comment la réduction vient y mettre son grain de sel.
Il semble en effet que les relations inter-phasiques des amplitudes
quantiques tendent à disparaître avec la taille des objets, simplement
à cause d’un plus grand dénombrement de molécules dans un objet
macroscopique que microscopique et des maintes interactions entre
l’élément macroscopique et son environnement. Ce phénomène s’appelle
la décohérence. Plus une particule interagit avec ce qui l’entoure,
plus elle décohère rapidement (une particule complètement isolée de
tout conservera à jamais ses propriétés, mais n’espérez pas en
observer une, car, se faisant, vous interagissez avec elle,
« l’obligeant » ainsi à choisir un état quantique).
En premier, l’ambassadeur « chat », suivi ...
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Néanmoins, le milieu scientifique a dernièrement observé la transition entre le
classique et le quantique. En effet, une expérience réalisée au laboratoire
Kastler Brossel de l’École Normale Supérieure, en France, en a inspiré plusieurs
et a permis de suivre la transition quantique-classique, autrement dit, la décohérence
(voir figures ci-bas). On a d’abord excité une particule, appelons-la « la particule
chat », à l’aide d’une simple impulsion laser, afin de la placer dans un état de
superposition quantique (1). On l’envoie alors se promener dans un faible champ,
composé de 3 à 6 photons rebondissant entre deux miroirs ultra-réfléchissants, le
tout à très basse température : ce système se nomme une cavité (2). L’atome,
en traversant cette cavité, modifie la phase très sensible du champ photonique.
En conséquence, les photons rebondissent selon une superposition de phases
quantiques directement reliées à l’état quantique de l’intrus. Ensuite, le « chat »
entre dans une autre salle d’excitation qui brouille à nouveau ses deux états
maintenant analogues à la phase du champ photonique (3). Puis, on détecte
l’état du « chat », qui se trouve soit dans un état quantique, disons « C1 »,
soit dans l’état « C2 » (4). Le champ corrélé à l’atome se place alors lui
aussi soit dans une superposition ou l’autre. On envoie alors un second atome,
une « souris », qu’on place aussi dans une superposition d’états, disons « S1 »
et « S2 » (5). La souris arrive maintenant aux portes de la cavité, ici
deux histoires peuvent survenir : soit le champ photonique est toujours en
superposition quantique, soit il s’est décohéré pendant le laps de temps
écoulé entre les deux visiteurs. Admettons qu’il soit toujours en
superposition (6), alors la souris, déjà en superposition d’états, placera
le champ en une seconde superposition, de quatre états simultanés! (7)
Si, lors de son arrivée, la souris trouve le champ déjà décohéré (8), elle
agira comme le chat, c’est-à-dire qu’elle placera la fréquence des
« rebondissements » de photons en superposition de deux états (9).
On mêle ensuite, comme pour le premier atome, les états quantiques de
la souris (10) et on la détecte (11). On reproduit enfin plusieurs fois
la même procédure. La distribution statistique des résultats (« chat »,
« souris ») possibles, c’est-à-dire : {(C1,S1), (C1,S2), (C2,S1), (C2,S2)}, révèle
ainsi la nature du champ lors du passage de la souris. En sélectionnant
différents intervalles de passage entre le chat et la souris, on peut évaluer
le temps de décohérence des superpositions quantiques. Dans cette expérience,
les physiciens utilisèrent des atomes de rubidium et notèrent un temps de
décohérence d’environ 10-4 secondes. Remarquons
qu’un chat (un vrai), par exemple, porte environ 1027
particules et décohèrerait en 10-31 seconde.
C’est pourquoi on n’a jamais vu de chat zombie, hormis dans les films du genre
« La nuit des morts vivants VIII »...
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quelques instants plus tard par l’ambassadeur « souris ».
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En haut (6,7), la superposition des deux états quantiques
du chat interfèrent avec ceux de la souris produisant un mélange de quatre états dans
le champ photonique.
En bas (8,9), la décohérence a produit ses effets et la cavité ne présente qu’une superposition de deux états.
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Jusqu’où pouvons-nous donc pousser la théorie quantique afin de l’utiliser dans la technologie?
Les ordinateurs quantiques (voir
L’Attracteur #8,
L’Ordinateur de demain) pourraient s’avérer fort utiles
dans les calculs d’algorithmes complexes et autres projets insoupçonnés. Cependant, un obstacle
majeur nous barre la route : la décohérence. Autant elle protège le monde macroscopique des
effets quantiques, autant elle élève un obstacle majeur à la réalisation des ordinateurs
quantiques. Même si quelques embryons semblent prendre forme, nous devrons davantage connaître
cette frontière quasi mystérieuse que dresse la physique quantique avant de pouvoir vraiment
nous vanter d’avoir construit un ordinateur quantique efficace. Enfin, grâce aux
récents progrès technologiques, des expériences maintenant réalisables permettent
d'illuminer nos connaissances en matière quantique, chose impossible dans les années
30 et source d'une vive polémique.
Dominic Lepage DWM
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Bibliographie
- Science & Vie, No. 977, février 1999
- Serway - Beichner, Physics for scientists and engineers with modern physics
(5e édition), Harcourt College Publisher, ©2000
- LA RECHERCHE 301, Septembre 1997
Image
- Interférences quantiques de Young : Serway - Beichner, Physics for scientists and engineers with modern physics
(5e édition), Harcourt College Publisher, ©2000