L'Attracteur No. 4 Hiver 1997 | LA REVUE DE PHYSIQUE | ISSN 1207-0203 |
Seul le titre dingénieur permettrait une vie professionnelle et un plan de carrière normaux.
Ce projet, qui a soulevé lire de lAPIIQ en plein processus de constitution dun ordre professionnel dans le domaine de linformatique, doit également attirer lattention de toute la communauté scientifique. Quelle sera sa portée sur la « profession » de physicien?
La «profession» de physicien
À la décharge de lOIQ, on doit toutefois souligner que le projet maintient la disposition stipulant quon ne peut « empêcher une personne dexercer la profession [...] de physicien ». Toutefois, en labsence dune corporation professionnelle ou dune quelconque définition du champ dexpertise des physiciennes et des physiciens, il est difficile de prévoir les effets concrets du projet de lOIQ.
À la manière de lAPIIQ qui craint de voir les informaticiennes et informaticiens devenir des personnes expertes sans plus, le projet de lOIQ pourrait restreindre laccès des physciennes et des physiciens à diverses activités de recherche et de développement de haute technologie. On peut également entrevoir des restrictions à la mobilité professionnelle des diplômées et diplômés en physique qui pourraient, par exemple, se voir refuser des postes de direction, de supervision ou de planification. À long terme, seul le titre dingénieur permettrait une vie professionnelle et un plan de carrière normaux.
Il faut également se méfier des effets de ce projet sur la politique scientifique québécoise. En Amérique du Nord, trop peu dingénieures et dingénieurs sont formés à la recherche. La recherche appliquée repose en bonne partie sur les étudiantes et étudiants étrangers ainsi que que sur les diplômées et diplômés des sciences naturelles, dont la physique. Linclusion de domaines de haute technologie en expansion fulgurante (ex. : la photonique) au champ de pratique exclusive des ingénieurs pourrait limiter limplication des physiciennes et des physiciens dans ces domaines, et ainsi nuire à la recherche et au développement du Québec dans ces domaines.
À travers le Canada
Il ne sagit pas dun phénomène propre au Québec. En effet, lAssociation canadienne des physiciennes et des physiciens (ACP) soulignait des ambitions semblables dans presque toutes les provinces et territoires (Physics in Canada, oct-déc. 1995). LACP collabore à une coalition afin « dexempter lensemble des sciences naturelles de la tutelle dune définition formelle de la pratique de lingénierie » (traduction libre de lauteur). On peut tirer des enseignements intéressants de lexpérience des autres provinces. À titre dexemple, à Terre-Neuve, lAssociation professionnelle dingénierie a tenté, sans succès, de forcer les membres du corps professoral à devenir membres de lordre pour pouvoir enseigner et faire de la recherche.
Intérêts publics ou corporatifs?
On ne peut sempêcher de voir poindre dans le projet de lOIQ des intérêts corporatistes. Sous la bannière de lintérêt public, de la protection et de la sécurité des citoyennes et des citoyens, il y a fort à parier que lobjectif premier de lextension du champ de pratique exclusive des ingénieures et des ingénieurs vise à atténuer la crise de lemploi que vit la profession. Un détail : lOrdre des ingénieurs du Québec est très avare de commentaires concernant sa propre proposition de modification de la Loi sur les ingénieurs.
À cause de lampleur des modifications demandées par lOIQ, il est essentiel que la communauté scientifique québécoise se mobilise pour demander au gouvernement de procéder avec discernement dans ce dossier. La moindre des choses serait de disposer dune étude dimpact sur chacun des nouveaux champs de compétence sollicités par lOrdre. La vingtaine de groupes détude nécessaire pour la tâche pourrait ainsi résoudre, temporairement bien entendu, le problème demploi de la profession...
Serge Charlebois j
Pour en savoir plus :
APIIQ : http://www.crim.ca/APIIQ
Ordre des ingénieurs du Québec : http://www.oiq.qc.ca (800) 461-6141
Office des professions : http://www.crim.ca/APIIQ/opq.htm (site non officiel mais référé par le gouvernement)
Dernière mise à jour: 2 mai 1997 .
Mise en page par Gilbert Vachon