L'Attracteur No. 2 Hiver 1996 | LA REVUE DE PHYSIQUE | ISSN 1207-0203 |
Le comité de rédaction rend hommage à
Marcel Banville et vous offre ici la seconde partie de l'article
qu'il a écrit pour L'Attracteur.
Deuxième partie
Le professeur Marcel Banville décédé le 14 janvier dernier à l'âge de 62 ans. |
En 1967, Spiegelman a voulu vérifier la théorie de Mendel et Weismann à l'effet que l'ADN était une molécule capable de se reproduire de façon indépendante des mécanismes cellulaires. Il a placé des segments de molécules d'ADN (matrices) dans une éprouvette avec les substances chimiques nécessaires à sa reproduction (sources d'énergie, bases de nucléotides, enzymes pour la polymérisation, etc.), mais sans l'organisation cellulaire de son milieu naturel. Il a observé que les matrices ne se copient pas de façon intégrale : elles deviennent de plus en plus courtes à chaque nouvelle génération. Ceci se poursuit pour se stabiliser avec les matrices ayant encore la capacité de se reproduire. À mesure que les matrices deviennent plus courtes, la copie se fait de plus en plus rapidement, de sorte que les matrices plus courtes finissent par devenir plus abondantes, alors que les plus longues sont graduellement éliminées. Cette évolution, in vitro, va vers une plus grande simplicité, alors que la vraie évolution va vers une plus grande complexification. Pour que la complexification se produise, il est nécessaire que l'ADN soit dans son contexte cellulaire : le système évolue globalement comme une unité de reproduction. La capacité de se reproduire est une propriété de l'organisme global, pas seulement de la capacité qu'a une partie (l'ADN) de se reproduire. Elsasser a qualifié cette forme de reproduction de reproduction hétérogène. |
Walter Elsasser a démontré qu'il était possible de le faire en biologie : une description du tout par une mémoire holistique et une description physicochimique des parties. Il n'y a pas de raison qu'on ne puisse le faire en sociologie (nature et culture) ou en psychologie (la raison et les émotions). S'émanciper de la métaphysique est le prix à payer pour faire de la science. Cela ne signifie pas qu'il faille abandonner la métaphysique, mais plutôt qu'il faut reconnaître qu'un concept ne peut pas être défini par une seule phrase. Platon recherchait des définitions métaphysiques. Quand il forçait quelqu'un à définir la Morale, la Beauté, l'Éthique son interlocuteur proposait généralement des propositions relationnelles. Le paradoxe repose sur le fait que les propositions relationnelles sont fondées sur des observations scientifiques et que ces propositions ne sont jamais des définitions propres à satisfaire Platon. J'ai rencontré des personnes qui sont fort perturbées par les théologiens qui ne peuvent pas (ou ne veulent pas) définir l'éthique en une seule phrase. Pour un esprit scientifique, il y a un ensemble de propositions relationnelles qui définissent l'Éthique, comme il y a un ensemble de propositions relationnelles qui définissent la Physique. Les paradoxes issus des dualités peuvent être résolus par un principe de complémentarité fait sur mesure. Le débat entre l'inné et l'appris en biologie en est un exemple. On est obligé d'admettre que les deux sont vrais, mais en diverses circonstances. La tâche du biologiste est de découvrir en quelles circonstances l'un l'emporte sur l'autre, tout en préservant la cohérence de sa représentation de la réalité. L'intelligence humaine est aussi paradoxale; on peut pencher entre l'inné et l'acquis. En parlant de l'intelligence humaine, Jacques Testart dit :
Il est aussi dangereux de vouloir démontrer le caractère exclusivement acquis de l'intelligence que son caractère exclusivement inné, car à l'évidence les deux existent.
Le même problème existe chez les animaux. Il poursuit en disant :
Il est de plus en plus clair que, pour la plupart des caractères que nous exprimons, chacun est la résultante d'interactions complexes entre l'inné (le génétique) et l'acquis (l'environnement).
S. Spiegelman
An In Vitro Analysis of a Replicating Molecule
American Scientist 55, (1967) 221-264
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Edgar Morin
Vers un nouveau paradigme
Sciences Humaines 47, février 1995, p. 20-23
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D.W. Urry
Elastic Biomolecular Machines
Scientific American, janvier 1995, p. 64-69
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Cette question a été examinée
en détail par Antonio R. Damasio dans
Descarte's Error. Emotion, Reason and the Human Brain
Putman's Sons 1994
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Jacques Testart
Le désir du gène
Flammarion, 1989
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Dernière mise à jour: 18 mars 1996.
Mise en page par Gilbert Vachon