L'Attracteur
	     
      No. 13
          Hiver 2002  | 
    LA REVUE DE PHYSIQUE  | 
    ISSN: 1205-8505  | 
  
     Le professeur Taillefer a réalisé ses 
travaux de doctorat à l’Université de Cambridge, au Royaume-Uni.  
Il a, par la suite, obtenu un poste de chercheur à l’Institut 
Laue-Langevin de Grenoble, puis un poste de professeur à l’Université 
McGill et, depuis 1998, à l’Université de Toronto.  Il a reçu la 
prestigieuse bourse Steacie du Conseil national de recherche en 
science et génie (CRSNG) en février 1998.  Depuis 1998, il est 
directeur du programme de supraconductivité de l’Institut canadien 
de recherches avancées, qui réunit une trentaine de chercheurs 
canadiens dans le domaine, dont quatre seront dorénavant basés à 
Sherbrooke.  C’est notamment en raison de la présence à Sherbrooke 
d’un groupe de recherche bien établi et dynamique sur la 
supraconductivité que le professeur Taillefer a pris la décision 
de se joindre à notre Département de physique.  Le programme 
fédéral des Chaires de recherche du Canada lui a attribué en 
mars 2002 la Chaire de recherche sur les matériaux quantiques.  
Il devient donc, avec le professeur André-Marie Tremblay, le 
deuxième chercheur du Département de physique à détenir l’une 
de ces prestigieuses chaires de recherche.
     
Les travaux du professeur Taillefer et de son équipe utilisent les propriétés
 de transport de charge et de chaleur pour sonder le comportement des électrons 
 dans les matériaux.  Expliquons brièvement.  Dans un matériau solide, ce sont 
 les électrons qui transportent la charge électrique d’un point à un autre, 
 donc ils sont la source de la conductivité électrique. On mesure cette 
 propriété en appliquant une différence de potentiel entre deux points 
 d’un échantillon et en mesurant le courant électrique qui en résulte; 
 on en tire la résistivité du matériau, soit l’inverse de la conductivité.  
 De manière analogue, on peut générer un courant de chaleur en appliquant 
 une différence de température entre deux points d’un échantillon.  
 Cette chaleur peut être portée soit par les électrons, soit par des 
 vibrations des ions (ou phonons), mais la contribution des électrons 
 domine.  C’est pour cette raison qu’un bon conducteur d’électricité 
 est aussi un bon conducteur de chaleur.  Aux très basses températures, 
 la contribution des phonons est petite (ou bien contrôlée) et on peut 
 essentiellement dire que la chaleur se transporte dans le matériau 
 exactement comme la charge, car ce sont les mêmes objets (les électrons) 
 qui portent les deux quantités.  Ceci est connu depuis le 19ème siècle 
 et constitue la loi de Wiedemann-Franz : le rapport entre la conductivité
 thermique k et la conductivité électrique s
  est proportionnel à la température absolue T : 
 k/s=(p2/3)(kB/e)2T, 
 où kB est la constante de Boltzmann et 
 e la charge élémentaire.  En testant cette loi dans certains 
 supraconducteurs à base d’oxydes de cuivre (généralement connus sous 
 le nom de supraconducteurs à haute température critique), le professeur 
 Taillefer a eu la surprise de voir qu’elle est mise en échec!  C’est la 
 première fois qu’on observe une violation de cette loi jusqu’ici 
 universelle.  Cela signifie que l’objet qui porte la charge (ou la chaleur) 
 n’est pas un électron individuel, mais un objet encore mystérieux, 
 probablement une structure complexe formée par un très grand nombre d’électrons, qui se forme spontanément 
 lorsque le matériau étudié est refroidi près du zéro absolu.  
 L’un des objectifs de la physique de la matière condensée est 
 justement de comprendre ces structures complexes, ces états 
 exotiques qui apparaissent aux très basses températures.