« Dans la vie de tous les jours, à quoi sert la
physique? » Quiconque s’intéressant à la physique se fera questionner, tôt ou tard,
à ce sujet. Tout de même, il faut bien justifier ces milliards de dollars investis
dans la recherche. Avouons-le, la recherche en physique apporte réellement peu de
bénéfices à court terme. Mais à long terme, elle « rapporte » gros. Pensons, entre
autres, à la physique quantique des solides menant aux semiconducteurs et aux puces
électroniques; à la résonance magnétique nucléaire menant à l’imagerie par résonance
magnétique (IRM); aux accélérateurs de particules menant aux rayons utilisés dans le
traitement de cancers; aux lasers menant aux communications modernes, etc. Tout cela
sans mentionner une meilleure compréhension dans les autres sciences.
Que dire des si populaires théories d’Einstein?
Certes il me suffirait de nommer le décalage gravitationnel vers le rouge,
la prédiction de la périphérie de Mercure, la déviation de rayons lumineux,
l’effet Saphiro, les trous noirs, les ondes gravitationnelles, etc. pour
satisfaire nombre de physiciens. Cependant, dans la vie de tous les jours,
la plupart des gens se fichent bien des trucs comme la constante
cosmologique et l’énergie du vide…
Or, croire que cette théorie, parmi les plus
fondamentales, se révèle littéralement dénudée de conséquences pratiques,
dénoterait de la naïveté! En réalité, la relativité se retrouve au cœur
même d’une industrie capitalisant plusieurs milliards de dollars et dont
l’utilité actuelle demeure indiscutable. Il s’agit bien sûr du Global
Positioning System (Système de Positionnement Global ou GPS).
Il fallait bien une exception comme
le GPS afin que le cercle fermé des théories d’Einstein s’ouvre au
monde des applications concrètes. Érigé au modique coût de dix
milliards de dollars (U.S., s’il vous plaît), le système
principalement dédié aux fins militaires fut rapidement transformé
en industrie commerciale. Grossièrement, le GPS englobe vingt-quatre
satellites en orbite terrestre, chacun transportant une précieuse
horloge atomique. Simplement en utilisant un modeste appareil
détectant le signal radio émis par les satellites le survolant,
n’importe quel utilisateur parvient aisément à déterminer latitude,
longitude et altitude. L’incertitude dépend du système utilisé :
inférieur à quinze mètres pour ceux retrouvés sur les tablettes
du marché jusqu’à l’ordre du millimètre pour les modèles militaires.
Hormis les évidentes applications militaires, les GPS équipent
autant les systèmes de navigation d’avions, de navires ou
d’automobiles, secondent tout explorateur averti et servent
même à la construction de ponts et d’édifices.
La précision du GPS provient des
horloges atomiques enfermées dans ces satellites. Pour déterminer
sa position, le GPS reçoit les signaux des satellites qui le
renseignent sur le temps exact (fourni par les horloges) de la
communication. Connaissant précisément les orbites des satellites
et disposant d’une excellente extrapolation de la vitesse de la
lumière dans l’atmosphère terrestre, le système calcule la distance
parcourue par l’onde radio et informe l’utilisateur sur sa position.
Pour obtenir, par exemple, une précision de quinze mètres, le
système GPS mesure le temps avec une précision inférieure à
cinquante nanosecondes (soit le délai mis par la lumière pour
parcourir quinze mètres). Vous devinez que les petits gadgets
vendus au magasin du coin ne contiennent pas d’horloge atomique
(jouet d’environ 100 000 $). Cela n’est pas bien grave, car
lors de la communication, le satellite remet « à l’heure »
l’horloge du GPS. L’incertitude de la position provient de
l’imprécision de l’horloge du GPS.
« Le lien avec la relativité,
il est où? » Nous vivons dans un monde où l’interaction
avec la relativité s’établit constamment : la Terre déforme
légèrement l’espace-temps nous entourant. Ces petites
horloges de l’espace se baladent à 14 000 Km/h (environ
4000 m/s) : vraiment plus rapides que la plupart des
horloges sur Terre. Bien sûr, la théorie spéciale de la
relativité prévoit une dilatation du temps pour ces horloges
voyageant à grande vitesse : environ sept microsecondes par
jour. De plus, ces mêmes horloges se trouvent à 20 000 Km
de la Terre. À cet endroit, la gravité terrestre diminue
d’un facteur quatre et la contraction temporelle prédite par
la théorie de la relativité générale accélère les horloges
d’environ quarante-cinq microsecondes par jour.
Le calcul prédit une erreur de
38 microsecondes par jour. « Bof! Rien que 38
microsecondes, rien d’inquiétant! » Peut-être, n’empêche
que cette légère avance causerait une incertitude d’un peu
plus de 7.6 mètres à chaque minute, pour un total de plus
de 11 kilomètres par jour! Il ne resterait donc qu’à balancer
tout le système aux ordures… Ainsi,
la prochaine fois que
votre avion approchera l’aéroport par mauvais temps,
rappelez-vous cette question sur l’utilité de la physique
fondamentale en ayant une pensée
pour le système de navigation GPS, se trouvant dans la salle
des commandes et guidant le pilote en voie d’un atterrissage
en douceur…1
DWM
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1Dr. Clifford M. Will, Professeur de physique à l'université Washington à St. Louis