L'Attracteur     No. 4     Hiver 1997 LA REVUE DE PHYSIQUE ISSN 1207-0203


Un physicien imagé

Roger Lecomte et son équipe travaillent depuis plus de dix ans à la mise au point d’un tomographe à positrons. Appareil d’imagerie médicale, ce tomographe est maintenant le plus performant au monde.

Photographie de l'équipe de Roger Lecomte

Le chercheur et son équipe de travail en juin 1996. Dans l’ordre habituel : Roger Lecomte, David Lapointe, Jules Cadorette, Rutao Yao et Catherine Pepin.

En 1924, un groupe de chercheurs terminaient la première expérimentation faisant appel à un traceur radioactif introduit dans un animal. Depuis, il est devenu fréquent en médecine et en biologie de faire appel à de telles substances. En effet, les traceurs radioactifs permettent aux médecins et aux biologistes d'observer des processus biochimiques à l'intérieur même des êtres vivants. Toutefois, les investigations actuelles des chercheurs nécessitent des instruments de plus en plus perfectionnés. Ainsi, plusieurs spécialistes de par le monde cherchent à réaliser des appareils permettant de suivre ces traceurs avec une plus haute résolution, parmi eux, M. Roger Lecomte, physicien et professeur au Département de médecine nucléaire et de radiobiologie de la Faculté de médecine de l'Université de Sherbrooke. Ce chercheur travaille à la conception d’un appareil d’imagerie médicale de haute performance.

« Malgré ma plus grande facilité en chimie, avoue M. Lecomte, après mes études collégiales, je me suis dirigé dans le monde de la physique. J'avais le goût de comprendre les choses et d'aller au fond des concepts pour ensuite les appliquer ».

Bachelier de l'Université de Montréal en biophysique, M. Lecomte explique qu'il a étudié à une époque où cette discipline n'était pas encore très bien définie. « On ne savait pas vraiment, indique-t-il, quelle orientation la biophysique allait prendre. D'ailleurs, j'étais le seul étudiant de ma promotion à être inscrit en biophysique. »

Après son baccalauréat, il poursuit des études de deuxième et troisiE8Šme cycle. En 1977, il obtient une maîtrise en physique appliquée puis, en 1981, un doctorat en physique nucléaire.

Il arrive au Département de médecine nucléaire de l'Université de Sherbrooke en 1981. Dès 1983, il commence ses travaux sur la tomographie par émission de positrons. Ce type d’imagerie médicale est particulièrement avantageux parce qu’il arrive à exploiter les traceurs biologiques comme le carbone, l’azote, l’oxygène ou le fluor.

Mais l’idée de M. Lecomte est d’améliorer l’instrumentation. Il veut créer un tomographe dont la performance se rapproche des limites physiques du principe de détection. Il fait donc le choix, avec son équipe, de remplacer les photomultiplicateurs habituels par des photodiodes. Rien de bien original, semblerait-il. À cette époque, plusieurs équipes envisageaient cette option. Par contre, l’équipe sherbrookoise s’est démarquée en faisant le choix de travailler avec des photodiodes à avalanche, des dispositifs possédant une amplification interne et utilisés, jusque-là, uniquement pour les applications militaires et les télécommunications. Ils étaient parmi les premiers à travailler avec ce type de dispositif pour la détection de radiation. Ils ne disposaient donc d’aucune référence à ce sujet. « Pour travailler avec ces dispositifs, expose le chercheur, nous avons dû passer par de nombreuses étapes de recherche et développement. » En plus de concevoir de nouveaux modules de détection et le support électronique permettant l’acquisition et le traitement des signaux, l’équipe de recherche a dû faire preuve d’ingéniosité pour optimiser et adapter le design du tomographe aux photodiodes utilisées. « En fait, indique M. Lecomte, plus de dix ans se sont écoulés entre notre décision de travailler avec les photodiodes à avalanche et la réalisation du tomographe. »

Cette patience d’ange et ce travail acharné ont porté fruit. Le prototype pour petits animaux construit par l’équipe sherbrookoise atteint une résolution de 2 mm et se place en tête de liste des tomographes du point de vue performance et résolution. « Notre prototype, ajoute le professeur, permet de visualiser des lésions qui E9‚taient imperceptibles auparavant. Cela rend donc accessible l’étude chez les petits animaux de laboratoire. » Ainsi, Roger Lecomte prévoit l’utilisation de son appareil pour la recherche pharmacologique, mais aussi pour des recherches sur le métabolisme, la physiologie et sur certaines maladies comme le cancer.

Reste maintenant à développer les applications cliniques et à raffiner cet outil de diagnostic. Après cela, M. Lecomte espère voir la mise en marché de cette nouvelle technologie. Il souhaite aussi la réalisation d’un tomographe plus volumineux pour l’étude du corps humain. Mais, avant d’y arriver, il reste encore de nombreuses heures de travail...

Mathieu Deschamps j


Dernière mise à jour: 2 mai 1997 .

Mise en page par Gilbert Vachon

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